Crise immobilière en zone frontalière : chute du neuf, explosion des loyers

Trouver un logement devient un véritable parcours du combattant en zone frontalière. En Haute-Savoie comme dans le Pays de Gex, la crise immobilière s’installe durablement : les ventes de logements neufs s’effondrent, les chantiers ralentissent, et les loyers atteignent des sommets, notamment autour de Genève. Résultat ? Les ménages, en particulier les frontaliers, peinent à se loger à proximité de leur emploi et voient leur budget logement exploser.
Entre chute de l’offre, pression démographique et hausse des taux, le marché local se tend dangereusement. Cet article fait le point sur une situation critique aux portes de la Suisse et ses conséquences concrètes pour les frontaliers franco-suisses. Suivez le Guide !
Un marché immobilier neuf en chute libre
Des ventes en dégringolade
Le marché du logement neuf en Haute-Savoie connaît une crise sans précédent. En 2024, seulement 1 500 logements neufs ont été vendus, un chiffre historiquement bas dans un département où la demande reste pourtant très forte. Dans le Grand Annecy, les réservations ont chuté de 64 % depuis 2022, avec seulement 311 logements réservés en 2024 contre plus de 1 000 en 2018. Cette tendance s'inscrit dans une baisse continue observée depuis 2019, comme le montre le tableau ci-dessous :
Année | Nombre de logements neufs vendus en Haute-Savoie |
---|---|
2019 |
3 200 |
2020 |
2 800 |
2021 |
2 400 |
2022 |
1 800 |
2023 |
1 650 |
2024 |
1 500 |
Source : Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI)
Cette chute des ventes s'explique par plusieurs facteurs, notamment la hausse des taux d'intérêt, la raréfaction du foncier disponible et les coûts de construction en augmentation.
Une offre qui s'effondre
Parallèlement à la baisse des ventes, l'offre de logements neufs s'est également contractée. Les mises en vente ont connu une diminution significative, passant de 3 500 unités en 2019 à seulement 1 200 en 2024 :
Année | Nombre de logements neufs mis en vente en Haute-Savoie |
---|---|
2019 |
3 500 |
2020 |
3 000 |
2021 |
2 500 |
2022 |
1 800 |
2023 |
1 400 |
2024 |
1 200 |
Source : Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI)
Cette contraction de l'offre, combinée à une demande toujours soutenue, exerce une pression à la hausse sur les prix. En août 2024, le prix médian du mètre carré en Haute-Savoie s'établissait à 4 824 €, en augmentation de 4 % sur un an et de 33 % sur cinq ans.
Loyers en forte hausse dans le Pays de Gex
Des loyers prohibitifs
Le marché locatif dans le Pays de Gex est soumis à une pression croissante, notamment en raison de l'augmentation du nombre de frontaliers. À Gex, le loyer moyen au mètre carré pour un studio ou un deux-pièces a atteint 21,90 € en 2025, en hausse de 2,34 % par rapport à l'année précédente. Pour un appartement de type 3, le loyer moyen est de 19,70 € par mètre carré, soit une augmentation de 5,91 % sur un an.
À Ferney-Voltaire, les loyers sont également en forte hausse. Le loyer moyen au mètre carré pour un studio ou un deux-pièces est de 23,40 €, en augmentation de 3,54 % sur un an. Pour un appartement de type 3, le loyer moyen est de 21,30 € par mètre carré, soit une hausse de 12,11 % sur un an.
Recherche de solutions alternatives
Face à ces prix, certains locataires se tournent vers des communes plus éloignées comme Bellegarde-sur-Valserine, où les loyers sont plus abordables tout en offrant un accès rapide à Genève. Cette tendance reflète la difficulté croissante pour les travailleurs frontaliers de se loger à proximité de la frontière suisse.
Les frontaliers, premières victimes de la crise immobilière
Une pression croissante sur les travailleurs frontaliers
Le nombre de travailleurs frontaliers français en Suisse a atteint un nouveau record établi à environ 400 000 personnes réparties dans toute la Suisse, fin 2024, soit plus du double qu'en 2000. Cette croissance rapide exerce une pression considérable sur le marché immobilier des zones frontalières, notamment en Haute-Savoie et dans le Pays de Gex. Les loyers élevés et la rareté des logements contraignent de nombreux frontaliers à s'éloigner de la frontière, augmentant ainsi leur temps de trajet et leurs dépenses quotidiennes. Cette situation engendre également des tensions sociales, avec une concurrence indéniable pour les logements disponibles et une augmentation du nombre de demandes de logements sociaux.
Des perspectives préoccupantes
Les projections estiment que le nombre de frontaliers, pour la seule ville de Genève, pourrait atteindre 200 000 en 2035, ce qui aggraverait encore la pression sur le marché immobilier local de Haute-Savoie. Les professionnels du secteur alertent sur le fait que la crise du logement ne se limite pas à une problématique économique, mais qu'elle affecte également la cohésion sociale et la qualité de vie des habitants. Ils appellent à une mobilisation des pouvoirs publics pour accélérer la construction de logements adaptés aux besoins des frontaliers et pour mettre en place des politiques de régulation du marché locatif.
Quelles solutions pour désamorcer la crise ?
Développer des modèles alternatifs : le Bail Réel Solidaire (BRS)
Face à la flambée des prix, des dispositifs innovants comme le Bail Réel Solidaire (BRS) se développent. Ce mécanisme permet aux ménages modestes d'accéder à la propriété en dissociant le foncier du bâti. Par exemple, à Annemasse Agglo, 30 % des nouveaux logements sont désormais proposés en BRS, 30 % en logement social et 30 % en accession libre.
Réguler les locations saisonnières
Pour libérer des logements à l'année, certaines communes frontalières, comme Chamonix, ont décidé de réguler les locations de courte durée. À partir de mai 2025, les propriétaires doivent obtenir une autorisation limitée, avec des quotas spécifiques selon les communes. Cette mesure vise à freiner la hausse des prix et à préserver le parc locatif pour les résidents permanents.
Encourager la construction de logements abordables
Les acteurs de la construction appellent à une mobilisation des pouvoirs publics pour accélérer la production de logements abordables, notamment en simplifiant les procédures administratives et en soutenant financièrement les projets. Ils soulignent également l'importance de maintenir des dispositifs incitatifs, comme le Prêt à Taux Zéro (PTZ), pour faciliter l'accession à la propriété des ménages.
Une crise structurelle qui appelle des réponses ambitieuses
La situation du logement en Haute-Savoie est devenue critique. La chute des ventes dans le neuf, la flambée des loyers et la saturation du parc social affectent l'ensemble de la population, travailleurs frontaliers compris. Cette crise ne se limite pas au secteur immobilier ; elle impacte également l'économie locale, avec des difficultés de recrutement pour les entreprises et une augmentation des inégalités sociales.
Face à cette urgence, des solutions existent : développement du Bail Réel Solidaire, régulation des locations saisonnières, relance de la construction de logements abordables. Cependant, ces mesures nécessitent une coordination étroite entre les acteurs publics et privés, ainsi qu'une volonté politique forte pour être mises en œuvre efficacement.
Il est impératif d'agir rapidement pour préserver l'attractivité et la cohésion sociale de la région. Sans une mobilisation collective, la crise du logement risque de s'aggraver, avec des conséquences durables pour les habitants et l'économie de la Haute-Savoie.